Le bail à usage professionnel

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Quelle est la source juridique du bail à usage professionnel ?

La statut des baux professionnels trouve sa source dans l’article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 n°89-462 et a fait l’objet d’une modification par la loi du 4 août 2008 n°2008-776 qui autorise désormais l’application conventionnelle du statut des baux commerciaux, en cas de location à usage “professionnel”.

Bon à savoir : Contrairement aux autres baux prévus par la loi, le bail professionnel est loin d’être aussi réglementé. La loi précitée n’est pas aussi exhaustive que pour le bail d’habitation ou le bail commercial pouvant créer certaines incertitudes pour les parties.

L’article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 s’applique-t-il à tous les baux en cours ?

L’article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 ne s’applique pas aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi :

  • Le bail conclu reste soumis au régime prévu à son origine tant qu’il est en cours,
  • L’article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 n’est applicable qu’à compter de l’expiration dudit bail,

Illustrations : Un bail a été conclu en 1987 pour une durée de 9 ans. Le locataire ne peut mettre fin audit bail avant l’expiration de ce dernier en se fondant sur le texte visé; puisqu’il est inapplicable aux baux en cours (Cass, 3ème civ, 2 juillet 1997). A contrario, si un bail a été conclu en 1987 pour une durée de 3 ans ; en cas de tacite reconduction, c’est désormais l’article 57-A qui s’appliquera.

Qu’est-ce qu’un bail à usage professionnel ?

Le bail professionnel s’applique aux contrats de location concernant un local affecté à un “usage exclusivement professionnel”.

Qu’est ce qu’un “usage” “professionnel” ?

  • L’usage professionnel est celui qui n’est ni commercial ni industriel ni artisanal ni rural,
  • Le professionnel est celui qui accomplit une activité de production, distribution de biens ou de prestation de services à titre habituel,
  • L’activité concernée est une activité rémunérée

En conclusion, l’activité professionnelle correspond à “une activité rémunérée par des clients permettant le développement d’un véritable fonds civil, activité exercée de surcroît de manière habituelle et régulière qui doit bénéficier de protection législative” (M. Jean Guirec-Raffray)

Le bail professionnel s’applique-t-il aux professions libérales ?

  • Qu’est-ce qu’une profession libérale ?

En vertu de la loi du 22 mars 2012 n°2012-387, les professions libérales concernent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles.

En conclusion : Au regard de la définition, l’activité visée est en principe rémunérée et a un caractère civil. Dans ce cas, les locations consenties pour l’exercice de ces activités sont à usage professionnel.

  • Plus précisément, quelle activité est concernée par le bail professionnel ?

Les activités civiles concernées par le bail professionnel sont, à titre d’exemple, la profession de médecin, de radiologue, de sage-femme, la profession d’avocat, de notaire d’huissier de justice. Est concernée également la profession d’architecte ou de décorateur.

? Bon à savoir : Le pharmacien est-il concerné par le bail professionnel ? Non, le pharmacien est un commerçant et relève donc, dans le cadre de la location d’un local pour son activité, du statut des baux commerciaux.

Le bail professionnel s’applique-t-il au secteur associatif ?

En faisant référence uniquement à la définition citée précédemment concernant la notion de “profession”, le secteur associatif en tant qu’activité non lucrative ne devrait être prise en considération quant à l’application du bail professionnel. L’association, par principe, n’exerce pas de “profession” à ce titre.

Or, la jurisprudence a admis l’application du bail professionnel à une association si l’activité de l’association est exercée à titre onéreux et de manière habituelle (Cour d’appel de Rennes, 28 mai 2014, n°13/00180).

Le cas de locaux à usage mixte d’habitation et professionnel

Par principe, dans le cas d’un bail à usage mixte d’habitation et professionnel, le bail autorise donc le locataire à s’installer au sein du local loué pour y habiter mais également pour y exercer son activité professionnelle.

Le locataire a-t-il une obligation, en vertu du bail mixte, d’utiliser les locaux loués à chacun des usages (habitation et professionnel) ? Non, le locataire qui a conclu un bail à usage mixte habitation et professionnel n’a pas d’obligation d’utiliser les locaux loués à chacun des usages prévus par le bail. Donc, si le locataire décide finalement d’utiliser le local qu’à des fins professionnelles, cela ne posera aucune difficulté (Cass, 3ème Civ, 15 janvier 1992, n°90-12.815).

Bon à savoir : si le bail mixte prévoit expressément les lieux qui seront utilisés à usage d’habitation et professionnelle, dans ce cas, le locataire qui affecte les locaux à un usage exclusivement professionnel commet une faute contractuelle.

Quelle est la durée du bail professionnel ?

L’article 57-A alinéa 1 dispose que le “contrat de location d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à 6 ans. Il est établi par écrit

La loi est donc claire à ce sujet, la durée minimale du bail professionnel est de 6 ans.

A contrario, la durée du bail peut être supérieure à 6 ans.

Que se passe-t-il si les parties s’accordent sur une durée inférieure à 6 ans ? L’article 57-A est une règle d’ordre public, les parties ne peuvent donc pas y déroger. Si la durée fixée conventionnellement est inférieure à 6 ans, le bail ne sera pas nul mais la durée applicable sera celle prévue par la loi.

? Question :Est-il possible d’insérer une clause au sein d’un bail professionnel permettant au bailleur de donner congé avant la durée de 6 ans ? Non, la clause sera nulle.

Quel type de bail pour un local professionnel ?

En cas de location d’un local à usage professionnel en raison de l’activité qui y sera exercée, un bail professionnel devra donc être rédigé.

Lors de la préparation du bail, sont à vérifier les éléments suivants :

  • La capacité et le pouvoir de l’ensemble des parties, c’est-à-dire, le locataire et le bailleur,
  • La solvabilité du locataire,
  • L’aptitude du locataire à exercer l’activité professionnelle visée par le bail professionnel afin d’éviter tout contentieux postérieur,
  • L’état des lieux loués et la conformité de l’immeuble et des équipements au regard des exigences légales et réglementaires...

Que faut-il vérifier si le local loué dépend d’un immeuble en copropriété ?

Lorsque le local envisagé à la location dépend d’un immeuble en copropriété, il faut vérifier si le règlement de copropriété accepte l’exercice de l’activité envisagée par le locataire afin d’éviter tout contentieux postérieur avec notamment les organes de copropriété. L’activité professionnelle exercée doit être conforme et en accord avec le règlement de copropriété.

? Quelle est la sanction en cas d’activité professionnelle exercée contraire au règlement de copropriété ? La sanction est la cessation de l’activité visée. Le locataire ne pourra poursuivre son activité.

Quels sont les avantages/ risques liés au bail à usage professionnel et son statut actuel ?

Le statut actuel du bail professionnel n’est autant réglementé que le bail commercial ou bail d’habitation. En conséquence, certaines éléments restent à prévoir par les parties.

  • Dans certains cas, le professionnel peut donner congé à tout moment, ce qui, de façon évidente laisse une large marge de manoeuvre à l’une des parties. Réciproquement, cela fragilise le lien contractuel,
  • Dans certains cas, le bailleur peut, au terme du bail, donner congé sans motif et sans indemnité et peut imposer une augmentation de loyer sans contrôle,
  • Il est possible pour les parties de s’accorder et d’adopter conventionnellement un autre statut que celui du bail professionnel et réclamer ainsi l’application volontaire du bail commercial.

? A noter : Le statut peu protecteur du bail professionnel pousse les locataires à négocier l’application du bail commercial. Dans ce contexte, une réforme de ce statut est souhaitée.

En conclusion :

  • Le bail à usage professionnel, quand bien même peu protecteur du locataire ou peu réglementé, reste à envisager dans le cas où une activité professionnelle doit être exercée au sein d’un local à usage professionnel.
  • Néanmoins, les parties peuvent décider conventionnellement d’appliquer le statut du bail commercial plus réglementé et permettant ainsi d’assurer une certaine sécurité juridique à l’ensemble des parties.
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